Community Land Trust Bruxelles
Établi en 2012 (Bruxelles, Belgique)
Profil rédigé par Geert De Pauw (2015)
Le Community Land Trust Bruxelles (CLTB) a été officiellement constitué en 2012, après quatre années de planification et d’organisation, une initiative menée par des activistes de plusieurs associations de logement et de quartier existantes. Le CLTB a été créé pour desservir l’ensemble de Bruxelles (1 100 000 habitants), mais il a été particulièrement actif dans les communautés les plus pauvres comme Anderlecht, Molenbeek et Schaerbeek. Le CLTB a été reconnu relativement peu de temps après sa création par la Région bruxelloise, l’autorité gouvernementale responsable de la politique du logement à Bruxelles.
Les origines du CLTB sont étroitement liées à la crise du logement qui a émergé à Bruxelles dans les années qui ont suivi l’an 2000. Traditionnellement, la politique du logement en Belgique est largement axée sur l’aide à l’accession à la propriété. Par le biais de prêts sociaux, d’avantages fiscaux et d’autres subventions, les résidents sont encouragés à acheter leur propre logement. Cela signifie que, par rapport aux pays voisins tels que les Pays-Bas et la France, la Belgique compte peu de logements locatifs publics (également connus sous le nom de “logements sociaux”).
Cette politique a été mise à rude épreuve après 2000. Dans la Région bruxelloise, les prix de l’immobilier ont doublé entre 2000 et 2010. Bien que la demande de logements sociaux ait fortement augmenté, pratiquement aucun nouveau logement public n’a été construit. Les demandeurs de logements sociaux locatifs étaient contraints d’attendre jusqu’à dix ans, voire plus. Dans le même temps, les programmes existants n’étaient plus en mesure de rendre l’accession à la propriété abordable pour les groupes à faibles revenus. De nombreuses familles ont dû faire un choix : continuer à vivre dans un appartement insalubre et petit ou quitter Bruxelles.
En réaction à cette crise croissante du logement, plusieurs nouvelles initiatives ont vu le jour. Deux d’entre elles sont importantes pour la création d’une fiducie foncière communautaire.
Buurthuis Bonnevie, un centre communautaire basé à Molenbeek, l’un des quartiers les plus pauvres de Bruxelles, a lancé le projet L’Espoir. En collaboration avec un groupe de familles immigrées à faibles revenus, une société de logement social et la municipalité ont été persuadées de construire 14 nouveaux logements abordables. En 2009, après une longue préparation, les familles sont devenues propriétaires de leur propre appartement. C’est en partie grâce à l’implication intense de ces familles dans le processus de planification et de développement de ce projet que l’Espoir est devenu un grand succès.
L’Espoir a été l’un des premiers immeubles d’habitation à énergie solaire passive et à haut rendement énergétique à Bruxelles, montrant que l’habitat durable n’est pas nécessairement un privilège réservé aux personnes aisées. Le projet a également démontré que, malgré tous les efforts déployés pour maintenir les coûts de construction aussi bas que possible, ce type de projet n’est pas possible sans un investissement public substantiel afin de le rendre abordable pour les groupes à faibles revenus. Les initiateurs du projet ont réussi à trouver le financement nécessaire, mais ils ont réalisé qu’il fallait trouver une meilleure façon, plus durable, d’investir des fonds publics dans ce type de logement, si l’on voulait qu’il soit reproduit à plus grande échelle.
Une autre initiative visant à aider les familles à faibles revenus à devenir propriétaires dans un contexte de hausse des prix a été lancée par le CIRE. En 2004, cette association a créé le premier groupe d’épargne solidaire pour aider les familles pauvres à réunir la mise de fonds nécessaire à l’achat d’une maison dans la région bruxelloise. Très participatifs, ces groupes n’ont pas seulement aidé les membres financièrement, ils ont aussi été un lieu de formation et d’autonomisation. Depuis sa création, ce système a permis à 80 ménages à faibles revenus d’acheter une maison et 8 groupes sont actuellement actifs. Cependant, la hausse des prix de l’immobilier a rendu de plus en plus difficile l’utilisation de ce système alternatif d’épargne par les familles, en particulier celles aux revenus les plus faibles.
Au cours de la même période, d’autres Bruxellois ont cherché des alternatives aux programmes traditionnels de logement public. Les raisons en sont diverses : hausse des prix du logement, manque de politiques de logement flexibles et adaptables, problèmes croissants dans les immeubles de logements sociaux existants, gentrification émergente dans divers quartiers pauvres après des opérations de rénovation urbaine, et crise économique nationale et internationale qui a simultanément aggravé les problèmes de logement en Belgique et créé une atmosphère propice à l’innovation.
En 2008, des représentants de plusieurs organisations qui cherchaient des alternatives ont entendu parler du community land trust (CLT) lors d’une convention sur les coopératives d’habitation à Lyon, en France. Quelques-uns d’entre eux ont commencé à étudier le modèle afin d’évaluer s’il pouvait être utilisé à Bruxelles.
En septembre 2009, quatre membres de ce groupe ont été invités par la Building and Social Housing Foundation en Angleterre à participer à une visite d’étude internationale au Champlain Housing Trust à Burlington, dans le Vermont, un CLT qui venait de remporter un prix mondial de l’habitat des Nations unies. Après une semaine, ils sont rentrés à Bruxelles, plus que jamais convaincus que le modèle CLT pourrait correspondre à ce qu’ils recherchaient.
Lors d’une convention sur l’habitat coopératif à Bruxelles, ils ont lancé publiquement l’idée et le projet de faire campagne pour la création d’un CLT à Bruxelles. De nombreux participants se sont montrés intéressés. Cela a finalement conduit à la rédaction d’une charte pour la création d’un Community Land Trust à Bruxelles, signée le 25 mai 2010 par quinze associations. Au cours de trois réunions publiques, le concept a été expliqué et discuté avec la société civile au sens large et avec des familles ayant besoin d’un logement.
C’est de cette dynamique qu’est née la Plateforme Community Land Trust Brussels. Cette asbl s’est donné pour objectif de promouvoir le modèle CLT à Bruxelles. A la demande de la Plateforme, le gouvernement régional bruxellois a commandé une étude de faisabilité en 2011. Certains membres de la Plateforme, assistés d’experts juridiques et immobiliers, ont mené l’étude.
L’étude a été achevée en juin 2012. Le rapport a montré qu’un CLT pourrait jouer un rôle majeur à Bruxelles et a présenté une série de propositions concernant les implications juridiques, économiques et opérationnelles du modèle. En conséquence, le ministre du logement a soutenu la création d’un CLT qui opérerait dans la Région bruxelloise et a accordé une subvention pour lancer les premières opérations et recruter du personnel.
La plateforme a changé de nom pour devenir le Fonds foncier communautaire Bruxelles(Bruxelles). Les statuts ont été modifiés. L’objectif des organisateurs du CLTB n’est plus la création d’un CLT, mais la réalisation de projets CLT. Un an plus tard, un conseil d’administration tripartite, conforme aux principes du CLT en vigueur aux Etats-Unis, et composé à parts égales de représentants des (futurs) résidents, de la société civile et des autorités régionales, est mis en place. En outre, une deuxième structure organisationnelle a été créée, la Foundation Community Land Trust Brussels. Cette fondation, dont la composition du conseil d’administration est similaire, deviendrait le propriétaire et le bailleur de parcelles de terrain disséminées dans la région, tandis que le CLTB serait responsable du développement de projets résidentiels situés sur ces terrains appartenant à la communauté.
Une équipe de quatre personnes a commencé à travailler pour le CLTB en septembre 2012. La même année, le modèle du Community Land Trust a été inclus dans le nouveau projet de loi sur le logement de la Région de Bruxelles-Capitale. Peu de temps après, le gouvernement régional a inclus le Community Land Trust en tant qu’opérateur de l’Alliance pour le logement. Ce programme d’investissement pour de nouveaux logements abordables dans la région bruxelloise prévoyait qu’entre 2014 et 2018, 2 millions d’euros de subventions pourraient être investis chaque année pour le développement de nouveaux projets CLT.
Depuis 2014, quelque 150 familles se sont inscrites comme acheteurs potentiels de maisons CLT. La plupart d’entre elles appartiennent aux catégories de revenus les plus faibles. Elles sont actuellement réparties sur l’ensemble des 19 communes qui composent la Région bruxelloise.
Pour le financement et la construction de logements et l’octroi de prêts hypothécaires aux acheteurs, le CLTB travaille en étroite collaboration avec un grand organisme de logement social, le Fonds du Logement.
Un élément clé du fonctionnement du CLTB est la participation des futurs propriétaires à la conception de leurs maisons. Chaque fois qu’un nouveau terrain est acquis, un groupe de futurs propriétaires est constitué. Le CLTB élabore avec eux un programme qui est intégré dans le cahier des charges de l’appel d’offres. Les futurs habitants sont également impliqués dans la sélection du projet architectural. Pour l’accompagnement social des futurs propriétaires, le CLTB travaille en étroite collaboration avec diverses organisations partenaires locales.
Cette approche demande beaucoup de temps, mais nous pensons qu’elle est nécessaire, en particulier parce que toutes nos maisons font partie d’immeubles à logements multiples qui devront être gérés par leurs propriétaires. La participation initiale des familles à la conception et au développement de leurs logements les prépare à leurs futures responsabilités en tant que propriétaires. C’est une façon de se responsabiliser et de renforcer la future communauté.
Ces deux dernières années, nous avons beaucoup investi dans le renforcement de notre organisation, le développement de modèles juridiques, de procédures, etc. Aujourd’hui, en plus des 150 familles candidates à l’accession à la propriété et des membres fondateurs du CLTB, nous avons recruté une centaine de nouveaux membres.
Jusqu’à présent, le CLTB a reçu des subsides pour la réalisation de quatre projets : la rénovation d’un ancien centre paroissial dans la commune d’Anderlecht (7 logements, une salle communautaire et un jardin semi-public) ; la construction d’Arc-en-Ciel à Molenbeek (32 nouveaux logements et une garderie pour enfants et personnes âgées) ; la construction de Mariemont le long d’un canal à Molenbeek (9 nouveaux logements) ; et la construction d’un projet dans le quartier Nord (15 logements et un espace communautaire).
Plusieurs autres projets sont à l’étude, souvent en collaboration avec les municipalités locales. Nous espérons offrir une trentaine de nouveaux logements par an, ainsi que des espaces à usage social et économique.
En cinq ans, nous avons parcouru un long chemin à Bruxelles. Lorsque nous avons commencé, le modèle CLT était totalement inconnu en Belgique. Aujourd’hui, il est considéré comme un outil intéressant pour lutter contre la crise du logement et renforcer la cohésion sociale, tant par les politiques que par les membres de la société civile. L’intérêt du grand public est également grand.
Notre projet inaugural au Quai de Mariemont à Molenbeek a été achevé et occupé cet été. Il a été officiellement inauguré le 18 septembre 2015. Il s’agit des premières maisons CLT sur le continent européen. Elles ne seront pas les dernières. Le pipeline de développement créé par le Brussels Community Land Trust garantit qu’un flux régulier de logements abordables permanents sur des terrains appartenant à la communauté sera produit pour les années à venir.
Pour en savoir plus sur le CLT Bruxelles, passé et présent :
- Site web du CLTB : http://www.cltb.be/
- Lien vers la vidéo couvrant l’inauguration, le 18 septembre 2015, de Mariemont, le premier projet du CLTB et les premières maisons en CLT sur le sol européen : https://communitylandtrust.wordpress.com/2015/09/21/inauguration-premiers-logements-clt-a-bruxelles-eerste-clt-woningen-feestelijk-ingehuldigd-in-brussel-celebration-first-brussels-clt-homes/